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Guada vs Madinina

Fred, le propriétaire du Pitt, (mot désignant un gallodrome aux Antilles) à Rivière Salée en Martinique, m'a gentiment accueillie pour des combats de coqs entre les deux îles voisines dans son arène scindée en deux: d’un côté, les Guadeloupéens venus spécialement pour l’occasion, et de l’autre, les Martiniquais. Grosse ambiance en perspective.

 

Le Pitt bat son plein, sur un fond musical de dancehall, et de vapeurs de rhum et de marijuana provenant de la buvette. Une chaleur humide et une énergie électrique règnent alors que les billets circulent de main en main. Je constate que l’arène est principalement occupée d’hommes. Je me retrouve dans ce « brouhaha » à parler à l’une des rares femmes présentes. Elle m’explique qu’elle a hérité du pitt de ses parents récemment décédés, et a dû rentrer de métropole pour s’occuper de cet héritage. En effet, cette pratique séculaire est généralement transmise de père en fils (ou fille, à défaut), risquant peu à peu de s’éteindre en vue du désintérêt des nouvelles générations pour cette tradition déjà menacée pour de multiples raisons.

Elle m’explique le long rituel d’avant combat : la « toilette » du coq.

 

En effet, les propriétaires du combattant prennent le temps de tailler minutieusement les plumes, poser des ergots, établir la pesée, faire une toilette avec de l’eau puis l’essuyage…

 

Une fois la toilette terminée, la cloche de l’arbitre retentit : il faut vite quitter le rond central avant que les portillons ne se referment.

Le combat commence, allant de quelques secondes à plusieurs minutes. La concentration est à son maximum, beaucoup d’argent est en jeu ; en cas de gains, les parieurs gagnent le double. Un tourbillon de cris de joie et de colère s’élève, les passionnés s’entassent pour ne rien rater de l’action.

 

Pas mal de choses m’échappent concernant l’organisation, mais je comprends vite qu’il existe de vraies règles, des rituels et un code d’honneur qui permettent de canaliser toute cette effervescence.

À savoir, il existe plusieurs types de combats et selon la spécialité, les variétés de coqs diffèrent ; allant du coq cendré au coq bankiva, en passant par le coq madra. Son prix varie également selon le palmarès du combattant, allant de 1500 euros à 10000 euros. Il est cependant possible d’en louer un. Ces coqs sont des coqs sauvages domestiqués croisés avec des coqs originaires d’Inde. Ils sont sélectionnés et entraînés pour développer leur résistance à la douleur ou à leur volonté de battre l’adversaire. Un coq qui survit au combat peut en faire plusieurs dans sa vie, il est suivi par un vétérinaire après chaque affrontement pour le soigner et le remettre d'attaque. 

Dans les années 60 on pouvait compter entre 160 et 185 pitts selon les dires, actuellement, Il n'existe plus qu'une quinzaine de pitts en activité en Martinique, mais jusqu'à quand ? La question se pose… Tout d’abord, considérée comme un acte de cruauté envers les animaux, cette pratique traditionnelle subit des pressions par les pays occidentaux qui la condamnent.

En France, les combats sont autorisés par la loi dans certaines régions, comme le Nord-Pas-de-Calais, et les régions d'outre-mer, comme la Guadeloupe, la Martinique, la Réunion, Guyane et Polynésie. Mais, selon l'article 521-1 du Code pénal, ils sont autorisés sur l'ensemble du territoire à condition de démontrer une tradition locale ininterrompue.

De plus, la création de nouveaux gallodromes est interdite depuis 1964 afin de favoriser leur extinction. En effet, les pitts actuels souvent vétustes sont même considérés comme à risque sanitairement parlant (variole, grippe aviaire...). Mais au-delà des coûts importants pour la mise aux normes matérielles des pitts, il existe une réticence des propriétaires à vacciner les coqs qui pourraient perdre en performance...

Cette tradition ancestrale introduite par les Espagnols dès le XVe siècle semble menacée.

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